Petite histoire de Giez

L’histoire de notre village n’est guère connue en détail. Mais, la géographie situe ce village à l’ubac, à l’abri des vents et bien approvisionné en eau claire et fraîche. Ce site étonne de nos jours, mais les vues qu'il offre sur le lac d'Annecy, la Tournette, le Charvin et le Mont Blanc surprennent les visiteurs par leur charme et leur beauté. Tout ceci a sans doute suffi pour attirer ici au cours du Ve siècle une implantation romaine, au moins à Rovagny, non loin de Viuz où une forte colonie romaine était présente. Des abris agraires et des tombes en laissent une trace certaine ainsi que les signes des débuts de la christianisation de nos régions.



Puis au cours des âges mouvementés qui ont suivi l’ère romaine, Giez a dû continuer de constituer une étape sur la route entre Genève et l’Italie par Boutae (Annecy), le col de Tamié pas toujours très sûr mais seule alternative aux fonds de vallées marécageuses, Ad Publicanaos (devenu Conflans puis Albertville), Moutier et le Petit-Saint-Bernard (qui ne portera ce nom que plus tard…).


Au cours du Moyen Age, des populations agricoles se sont installées sur place. Une famille de Gye y est implantée : sa dernière héritière Brancie (aujourd’hui Béatrice) épousa Humbert de Chevron et lui apporta en 1204 son fief de Gye. Ils n’eurent pas d’enfant, mais en secondes noces Humbert épousa Vullierme de Villette, unissant ainsi deux vieilles souches de Savoie. Les Chevron sont originaires de la combe de Savoie, à l’entrée de la Tarentaise, sur la même route menant en Italie. De cette famille, serait originaire Gérard de Chevron, évêque de Florence puis pape sous le nom de Nicolas II (1049- ) qui institua le conclave afin de ne plus laisser l’élection d’un pape entre les mains des puissants comme ce fut le cas pour lui-même. Les Chevron firent aussi les donations nécessaires à l’établissement de l’abbaye ND de Tamié, toute proche.






















Mais c'est au XVIII ème siècle pour une partie de l'intérieur, puis après l'Empire français, entre 1820 et 1860, en fin de période "sarde" (qui s’étend de 1720 à 1860, période où le duc de Savoie fut en même temps roi de Sardaigne ) que Gy subit une transformation radicale pour être transformé en une résidence : les façades furent rectifiées, ornées par endroit de stucs et de décorations en trompe l'oeil ; les fenêtres à meneaux furent élargies et les murs furent percés de fenêtres ; les intérieurs furent complètement réaménagés avec un usage multiple du bois de noyer autrefois abondant en Savoie ; les toits furent refaits en ardoise au lieu de la tuile.


























Les ours étaient nombreux en montagne au-dessus de Giez, car ils pouvaient se réfugier aisément dans la longue vallée de la Combe d’Ire, restée sauvage et quasiment vierge jusqu’à la Première Guerre mondiale. C’est là que dans les années 1880 furent tués les derniers ours vivant encore en Savoie, au cours de battues organisées pour permettre de se rendre en alpages et en forêt sans risques… les ours n’étant pas toujours d’humeur chaleureuse !















En contrebas du château et de sa ferme, un très long bâtiment rosé, aujourd’hui Club House du Golf de Giez, fut construit en 1808 sous l'Empire pour recevoir un martinet ; il recevait sa fonte du four à réverbère qui le jouxte encore (visible depuis le parking du golf).
















Pour ce faire il avait fallu capter l’eau de tous les ruisseaux et même celle du nant de Rovagny par une conduite longue de 3km afin d’alimenter le mécanisme du martinet ! Surtout, le four consommait d’énormes quantités de charbon de bois : de nombreux Gicans se firent bûcherons et on les dénommait les « forgalus » ! Aujourd’hui encore, en se promenant dans les bois vous retrouverez ces emplacements si caractéristiques des charbonnières…


A partir de 1830. cet ensemble fut transformé jusqu’aux années 1880, en une usine de tissage de la soie qui occupa jusqu'à plus de 300 ouvrières (les Ets Arkich, d’une famille de soyeux lyonnais) ; il devint ensuite une scierie, puis une ferme ! Depuis 1991, il abrite le Club House du Golf de Giez, réputé pour ses deux parcours.


















L’annexion changea le Syndic en Maire et l’administration française remplaça la « sarde ». Et les six provinces de Savoie formèrent deux départements. Très vite leur histoire se confondit avec celle de la France tout particulièrement durant la Première Guerre mondiale qui vit Giez payer un lourd tribut en hommes, mais aussi qui vit la disparition de la plupart des noyers abattus pour être transformés en crosses de fusils …


A l’autre extrémité du village, le hameau de Rovagny, peut-être du fait des anciennes implantations gallo-romaines, a toujours eu des relations plus étroites avec la paroisse de Faverges. C’est le long de son nant que s’établirent de nombreux moulins, martinets et scieries dont il reste encore quelques vestiges.



























Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, le début d’une transformation profonde se fit jour : les aciéries d’Ugine manquaient de bras et des cars vinrent deux fois par jour jusqu’à Giez (et plus loin encore) pour emmener au travail de l’usine des hommes qui devinrent « ouvriers paysans ». Tout en même temps se développèrent de nombreuses activités liées au bois : menuiseries, charpenteries, scieries...
















« Vivons heureux, vivons cachés » disait-on alors ! Les temps ont bien changé...


Aujourd'hui, Giez se fait connaître par son golf que fréquente 30.000 joueurs venus de tous les horizons. De la piste cyclable (qui remplace l’ancienne ligne de chemin de fer construite sous la IIIème République pour « raisons stratégiques »), arrivent au sommet du village des cyclistes essoufflés heureux de se désaltérer aux fontaines d’eau fraîche qui, dans chaque hameau, apportent cette fraîcheur venue de la montagne et cette douce musique de l’eau enchanteresse et vivifiante .
























 
 

Le château que vous pouvez voir au chef-lieu, dénommé Veigy, ne date pas de Brancie ! A son époque, il ne devait y avoir qu’une tour ou un castel en bois  Ainsi à son origine, GY ou GYE n’était pas un château fort, ni une résidence, mais une maison forte sur le fief de Gyé. Elle fut bâtie vers 1430, sur des restes du XIV ème. Son rôle premier fut plutôt économique, dans un contexte pas toujours sûr : abriter les récoltes et parfois la population, protéger une portion de la route Genève-Turin. De cette époque datent la tour et la partie centrale du bâtiment. La cour entourait de toutes parts le château sur le même niveau.


D'autres extensions eurent lieu au XVII ème siècle. Et saint François de Sales, dont la famille était installée à Lathuile et dont la grand-mère maternelle était Bonaventure de Chevron Villette, s'est ainsi rendu à Giez.

Autour de GY fut dessiné un "parc" romanesque et rustique le long d'un ruisseau aménagé en cascades... En contrebas, comme partout en Savoie, des terrasses reçoivent les jardins potagers et les vergers.


A proximité du château, des écuries datent du XVII ème siècle. C'est autour d'elles qu'après l'annexion de la Savoie à la France, en 1860, Charles-Albert de Chevron Villette décida d'y construire une "ferme modèle" organisée pour une économie en autarcie avec ses étables et écuries, sa porcherie et son chenil, son poulailler et son pigeonnier, son grenier à grain, son pressoir et son lavoir, jusqu’au four à pain qui côtoie les caves à fruit et à fromage. Mais ce sont ses décors en bois qui en font une bâtisse unique ! Ainsi cet ensemble d’un château jouxté de sa ferme et de ses jardins tous homogènes et témoins de la période sarde de l'histoire de la Savoie constitue un ensemble unique qui est maintenant protégé au titre des Monuments Historiques.


C’est de cette époque que date la création de l’alpage des Replains, entièrement défriché et conquis sur les bois, à la différence de l’alpage d’Eau Froide dont l’origine est naturelle du fait de son altitude.

Ce fut Théophile de Chevron Villette, tout à la fois militaire (il assiégea Grenoble pendant les conflits de la Révolution venue de France), diplomate (en agissant en coulisse lors du congrès de Vienne pour le retour de la Savoie à son duc) puis maître de forges par nécessité, qui se lança dans cette aventure industrielle, lointaine origine des "forges de Cran" à Annecy devenues depuis" Cegedur" puis intégrées Alcan....

Toujours à Veigy (du fait de la présence de l’église et du château, le hameau chef-lieu), l’église présente sa silhouette imposante pour le village. A l’origine chapelle du château, elle fut reconstruite en 1848 dans un style néoclassique. C’est que le duc de Savoie et roi de Piémont Sardaigne voulut remercier de leur fidélité les Savoyards pour le retour de la Savoie au royaume de Piémont-Sardaigne ; il encouragea la reconstruction et l’agrandissement des églises savoyardes, programme qui débuta par les plaines et vallées, leur faisant perdre leurs trésors baroques que l’on peut encore admirer en Tarentaise ou Maurienne. Ceci se termina avec l’annexion de la Savoie à l’Empire français de 1860 (le prix à payer avec le comté de Nice, par la maison de Savoie pour obtenir le soutien de Napoléon III à la conquête des Etats du pape et du royaume de Naples, en en chassant la famille des Bourbon deux Siciles).

Au milieu du village, au dessus de la mairie et de l’ancienne école communale aujourd’hui réinstallée dans ce qui fut scierie Terrier, la chapelle de Saint Gingolf résiste aux temps : autrefois, on venait y prier pour demander la pluie !


C’est proche de là au hameau du Bourgeal que durant presque tout le XXème siècle le village se rassemblait le soir à la fruitière, coopérative de collecte du lait et de production de fromage : Giez était alors avant tout un village agricole avec plus de 30 petites exploitations agricoles. Les terres étant recherchées, même les pentes étaient fauchées, à la faux bien sûr ! Mieux encore, durant le XVIIème siècle, le village avait réussi à éliminer les castors de la vallée rendant possible de la cultiver.


Jusqu’au milieu du XXème, ces terres quadrillées de petits canaux étroits et profonds, les tarraz, furent entretenues avec soin .. Depuis l’arrivée de la mécanisation, leur entretien s’est amoindri, puis les cultures se sont éloignées de ces zones redevenues humides et le marais s’est réinstallé : aujourd’hui protégé, il joue un rôle important dans la protection du lac et des castors sont à nouveau là depuis 1972, laissant parfois les traces de leur passage sous forme d’arbres abattus en forme de pointe de crayon !

Les 450 Gicans (qui furent jusqu’à 600 au du temps de la soierie, et moins de 300 après-guerre !), sont aussi d’horizons nouveaux et de nombreuses constructions nouvelles illustrent ce développement démographique.


Mais Giez conserve un charme particulier, fait de ses hameaux, de ses fours à pains, de ses bassins, de ses vieux murs, des paysages variés qu’il procure tant vers le lac ou les marais de Giez que vers les montagnes et le Mont-Blanc.



Et peut-être un jour l’église retrouvera-t-elle son vieux clocher galbé si typique (mais tous différents) des vallées de Savoie !



Ce charme est le fruit d’une histoire commune constituée au fil du temps par les habitants de ce village. Apprenons ensemble à lire les traces de ce passé, à les protéger, à les mettre en valeur : ce faisant nous restons fidèles à notre passé tout en construisant les bases de notre avenir.

Petite histoire de Giez